12.4.20

"Hanagatami", Nobuhiko Obayashi, 2017


La très belle affiche, qui rappelle le style de Suehiro Maruo (qui en est l'auteur ?), laisse pressentir que le film que nous nous apprêtons à visionner n'est pas commun, du moins c'est ce que j'ai pensé en la voyant et ce qui m'a incitée à le regarder. Une telle affiche ne pouvait mener qu'à l'extraordinaire et je n'ai pas été déçue.
Hanagatami , la "corbeille de fleurs", est adapté de l'œuvre éponyme de Kazuo Dan publiée en 1937. Le nom de l'auteur apparaît d’entrée dans le film, avec cette citation qui annonce comment il faut prendre l'histoire qui va suivre : “Vue depuis l'autre extrémité du télescope, une scène ordinaire devient de l'histoire ancienne. Non, ce n'est pas de la nostalgie ! C'est la douleur de tout ce qui est perdu."
Nous sommes au printemps 1941, Toshihiko, seize ans, qui vivait aux Pays-Bas avec ses parents est renvoyé au Japon, auprès de sa riche tante, dans la jolie et tranquille ville balnéaire de Karatsu, préfecture de Saga. Il s'inscrit au lycée où il se lie avec quelques camarades de classe. L'amitié, l'amour, le passage à l'âge adulte, tel est le quotidien de ces adolescents qui s'emploient à faire tenir une existence entière dans les quelques mois qui les séparent du moment où ils partiront faire le sacrifice de leur jeune vie.
J'imagine que les fleurs de la corbeille, ce sont eux, en leur printemps, en pleine floraison, et qui ne tarderont pas à disparaître. On ne peut s'empêcher de penser à ces vers de l'hymne des pilotes de la marine : "des fleurs dans le vent, tombées pour leur pays".
C’est un film très particulier. Les images et les scènes, souvent très stylisées, confèrent à l'histoire un aspect onirique, irréel, dont on imagine que c’est le genre d’impression que cette période troublée a pu laisser dans la mémoire des survivants, dont le réalisateur lui-même, qui était alors un enfant. Ce style visuel m'a rappelé certaines œuvres de Seijun Suzuki, avec leurs décors théâtraux et leurs couleurs saturées. La perfection des images ajoute au côté fantastique et fantasmé du souvenir.
L’arrangement musical, entre flûte classique et dissonances, participe, tout comme les parades militaires qui s'incrustent, de plus en plus fréquentes, en toile de fond jusqu'à s'imposer au premier plan, à rendre palpable la sorte de folie collective qui s’est emparée de cette société qui s’apprête à plonger dans un chaos préfiguré par le sang et la mort déjà omniprésents dans la vie des personnages.
Cette œuvre est une belle expérience qui mérite qu'on y revienne.

J'apprends hier, que de Nobuhiko Obayashi, rendu célèbre par son film culte, Hausu (1977) vient de nous quitter. Il était né le 9 janvier 1938 à Onomichi et s'est éteint le 10 avril 2020 à Setagaya. Hanagatami était le projet de sa vie. Il y travaillait déjà au moment de House mais le sujet n'avait pas été jugé suffisamment porteur à l'époque, car personne n'avait envie d'entendre parler de la guerre. Il a heureusement pu réaliser son rêve avant de partir. Quel beau testament! Qu'il repose en paix.

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