12.5.15

"Les Tribulations d'un Chinois en Chine"


Paru en 1879, ce roman de Jules Verne raconte les aventures, dans la Chine Impériale, de Kin-Fo, un jeune homme qui a tout ce que l'on peut désirer mais qui ne connaît pas le bonheur - tout l'ennuie et lui est indifférent. Il s'apprête pourtant à épouser une jolie veuve quand on lui annonce qu'il est complètement ruiné. Ne voulant pas infliger une vie de pauvreté à la jeune femme, il décide d'annuler le mariage et, avec le peu de fortune qui lui reste, de souscrire une assurance-vie dont le bénéfice ira à sa fiancée. Bien sûr, elle n'en bénéficiera que s'il meurt dans les deux mois qui suivent. Kin-Fo demande alors à son commensal, Wang, un ancien révolutionnaire devenu philosophe, de lui rendre, par amitié, cet ultime service de lui ôter la vie avant le terme imposé. Wang accepte et disparaît pour préparer sa mission. C'est alors que Kin-Fo apprend qu'il n'a jamais été ruiné. Il fait chercher Wang pour le prévenir et tout annuler, mais celui-ci reste introuvable. Pour échapper à cette mort qu'il a lui-même programmée, Kin-Fo n'a plus qu'une seule solution : fuir. Commence alors une longue cavale à travers la Chine. Il a pour compagnons de voyage son valet et les deux agents que la compagnie d'assurance avait délégués auprès de lui pour le protéger jusqu'au terme du contrat.

Je ne connaissais l'œuvre que par la très libre adaptation cinématographique de Philippe de Broca (1965), et je me demandais pourquoi le titre parlait des tribulations d'un "Chinois" alors que le héros ne l'était pas. Dans le roman il l'est, et le titre est donc justifié. On suit avec plaisir les péripéties de cette histoire rocambolesque. Les deux agents d'assurances ont probablement inspiré à Hergé ses Dupont et Dupond…

On peut ajouter Kin-Fo à la liste de ces jeunes hommes décadents, riches et désabusés cherchant désespérément à réveiller leurs sens comateux, qu'a produits la littérature du XIXe siècle finissant, et dont le Des Esseintes d'À Rebours (1884) reste la figure emblématique et le Jacinto de A Cidade et as Serras (202 Champs Elysées) (1901) d'Eça de Queirós l'ultime représentant…

Extrait :
Dans l'enceinte du Yamen s'élevaient quatre jolis kiosques, décorés avec toute la fantaisie qui distingue le talent des ornemanistes chinois. Ils portaient des noms significatifs : le pavillon du "Bonheur", ou Kin-Fo n'entrait jamais ; le pavillon de la "Fortune", qu'il ne regardait qu'avec un profond dédain ; le pavillon du "Plaisir", dont les portes étaient depuis longtemps fermées pour lui ; le pavillon de "Longue Vie", qu'il avait résolu de faire abattre !
Ce fut celui-là que sont instinct le porta à choisir. Il résolut de s'y enfermer à la nuit tombée. C'est là qu'on le retrouverait le lendemain, déjà heureux dans la mort.

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