21.6.14

"Le Sang du guerrier" de Kim Yong-gyun, 2009

 
Le Sang du guerrier (The Sword with no Name)
(Bool-kkott-cheo-reom na-bi-cheo-reom)
de Kim Yong-gyun, 2009

Le Sang du Guerrier est une grande fresque mélodramatique historique adaptée d'un roman de Ya Seol-Rok.
Le film met en scène un personnage réel, emblématique de l'histoire coréenne, la reine Myeongseong, connue aussi sous le nom de reine Min, première épouse du roi Kojong, femme de pouvoir influente et reine martyre. Le film raconte un grand amour impossible entre cette reine et un personnage fictif, un jeune homme de classe inférieure rencontré par hasard juste avant qu'elle n'épouse le roi.

Si l'on fait taire la petite voix qui nous susurre que cette histoire d'amour n'a pas une once de crédibilité, on se trouve en mesure d'apprécier un beau film d'aventure où se mêlent grands sentiments, action, costumes somptueux et Japonais sournois. On y trouve en filigrane un résumé de la situation politique et économique de la Corée de la fin du XIXe siècle.

Tout comme les romans d'Alexandre Dumas, qui sont une bonne introduction à l'histoire de France à condition de les oublier aussitôt lus et de se tourner vers les livres d'histoire, cette superproduction attire l'attention sur un chapitre dramatique de l'histoire coréenne : celui de l'assassinat de la reine Min par les Japonais. La reine, qui s'employait à resserrer les liens entre la Corée et la Russie afin de contrer l'influence japonaise, était devenue gênante. Le 8 octobre 1895, un groupe d'hommes s'introduisait dans le palais avec mission de la tuer. Derrière ce meurtre barbare (bien plus horrible encore que le film ne le montre) se trouvait l'ambassadeur japonais, Miura Gorō. La communauté internationale fut à l'époque si choquée et horrifiée, que le gouvernement japonais se trouva contraint d'organiser un simulacre de procès pour juger ceux qui avaient participé à l'opération. Bien entendu, Miura et les 55 autres suspects furent relaxés. La propagande japonaise attribua le meurtre à une lutte de pouvoir entre la reine et son beau-père Heungseon Daewongun, une rivalité qui apparaît également dans le film.

Aujourd'hui, lorsqu'on lit la presse coréenne, on s'étonne de voir à quel point le sentiment anti-japonais est exacerbé. Le contentieux est lourd, et tout semble fait en permanence pour qu'on n'oublie rien.  Le Japon est volontiers amnésique, mais la Corée a de la mémoire pour deux, et avec son cinéma elle dispose maintenant d'une caisse de résonance de portée internationale. Ce film fait visiblement partie des piqûres de rappel.
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Une enquête sur les événements fut diligentée et un rapport officiel fut publié, qui présentait tous les éléments de l'affaire et tous les documents liés. Une partie du rapport fut traduite en anglais, et tout à fait par hasard, j'en ai trouvé une copie sur le site de la BNF.

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