La Servante (Hanyo) de Kim Ki-young, 1960.
Kim Dong-sik est compositeur et gagne sa vie en donnant des cours de chant aux ouvrières d'une usine. Il est marié et père de deux enfants. Sa femme fait des travaux de couture à domicile. Grâce à leur travail acharné, ils viennent d'acquérir la maison de leurs rêves. Ils offrent l'image de la parfaite réussite petite bourgeoise : la famille idéale, incarnation de la morale et de l'élévation sociale par le travail... Leur installation dans la nouvelle maison entraîne pour eux de nouvelles contraintes, notamment celle de travailler plus et donc de prendre une domestique pour libérer l'épouse des corvées ménagères. Une jeune servante s'installe dans les lieux. Elle semble affranchie de tout ce qui ressemble de près ou de loin à une contrainte ou à une règle. On devine qu'elle va poser problème, mais on est loin d'imaginer à quel point.
C'est un film en noir et blanc, particulièrement dur, dont l'ambiance m'a rappelé les films de Clouzot, à cause de la noirceur et de la dureté du personnage, ou d'Hitchcock pour la manière dont la tension et l'angoisse montent au long du film. L'actrice qui joue la servante est fantastique dans le rôle. On s'étonne qu'un film de 1960 soit allé aussi loin. Si nous avions vu ce film plus tôt, Liaison fatale (Fatal Attraction) d'Adrian Lyne (1987) nous aurait paru bien gentillet.
Kim Ki-young était un drôle de bonhomme qui a fait des remakes de ses propres œuvres et a rencontré un succès phénoménal en son temps. Dans son reportage Deux ou trois choses que je sais de Kim Ki-Young ( 2006) (en bonus sur l'édition en DVD), Kim Hong-Joon a invité des réalisateurs coréens contemporains à dire ce qu'ils savaient et pensaient du réalisateur. L'un d'entre eux explique le succès rencontré par les films de Kim Ki-young par le fait qu'ils étaient les seuls à l'époque à montrer la violence et la corruption de la société coréenne - tous les autres films étant complètement lisses.
Etant donné la puissance de ce film, on s'étonne que La Servante soit la seule oeuvre de Kim Ki-young disponible en vidéo. Sur la trentaine de films qu'il a tournés, une vingtaine sont conservés. Sachant cela, on se prend à rêver que Carlotta, qui propose ce film en DVD, nous produise une édition/rétrospective de ses oeuvres en coffret du genre de celles dont ont déjà bénéficié les réalisateurs japonais Mizogushi, Ozu, Teshigahara, Yoshida, entre autres...
La Servante passe sur Arte le lundi 16 juin en deuxième partie de soirée. En première partie, une autre servante, celle d'Im Sang-soo, The Housemaid (2010) qui revisite le thème.
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