19.7.14

"Deux sœurs" de Kim Jee-woon, 2003

 
Deux sœurs (Janghwa, Hongryeon ) de Kim Jee-woon, 2003

 
Deux Sœurs a  reçu le Grand Prix du Film Fantastique de Gerardmer. Une récompense méritée, car fantastique il l'est à tout point de vue. Fantastique et fascinant.

Synopsis. Une voiture s'arrête devant une grande maison au bord d'un étang. En descendent un homme, le père, et deux jeunes filles qui se précipitent vers le ponton et passent un moment au bord de l'eau. Elles sont de retour dans les lieux après une longe absence. Plus tard, et à regret semble-t-il, elles rejoignent la maison dont l'intérieur obscur et étouffant contraste avec l'ambiance de paix et le soleil qui règnent au dehors. On y rencontre alors la maîtresse des lieux, la nouvelle compagne du père, une femme jeune, guindée, froide, mal à l'aise, et qui semble aussi sombre et fermée que l'endroit où elle se trouve. … Les jeunes filles s'installent et les premières tensions apparaissent… Afin de ne pas gâcher le plaisir de la découverte à qui ne l'aurait pas encore vu, je n'en dirai pas davantage sinon que ce n'est pas vraiment un film d'horreur mais plutôt un drame psychologique. Un film d'angoisse.

La photographie, est somptueuse. Elle m'a fait penser à Stoker de Park Chan-wook, qui lui est bien postérieur mais que j'avais vu avant, et j'ai même cru, sur le moment, que le directeur de la photographie était le même, mais il n'en est rien. On doit celle de Deux Soeurs à Lee Mo-gae.

Ce que les deux films ont en commun, c'est ce décor esthétique, léché, maîtrisé à la perfection, et qui reflète l'univers mental des jeunes filles. Leur trouble étant différent, chez Park Chan-wook le décor est lisse, distant, tandis que chez Kim Jee-won, il est étouffant... On trouve chez Kim Jee-won un travail phénoménal sur les textures, les motifs décoratifs des papiers peints, des tissus, des tentures… Tout est semé de fleurs, motifs qui donnent à la demeure son charme désuet et en font un lieu du passé, mais qui en se répétant partout à l'infini, de façon obsessionnelle, ferment les espaces et enserrent les personnages comme en un filet. On y voit aussi un travail prodigieux sur les cadrages, avec énormément de plans subjectifs (pour cause), de gros plans, sur les éclairages, avec des clairs-obscurs fabuleux et des lumières qui sculptent, révèlent ou dissimulent. Une bonne partie de l'angoisse et de l'atmosphère est générée par ce traitement et cette approche des matières, des objets et des lieux. Toutes les textures sont palpables. C'est à la fois beau, efficace. Bluffant de voir un réalisateur utiliser l'image de manière aussi magistrale.

Le film s'avère très différent de ce que l'on imaginait en voyant l'affiche. Le spectateur occidental s'attend à  un de ces films d'horreur sanglants dont le cinéma asiatique a le secret. Le Coréen, lui, pense à tout autre chose, car il connaît bien ce titre, Janghwa Hongryeon (Fleur de Rose et Lotus Rouge) qui est celui d'un conte populaire ; un conte cruel qui met en scène deux jeunes filles et leur horrible belle-mère, et qui a déjà fait l'objet de plusieurs adaptations avant que Kim Jee-woon ne s'en empare. Il sait où il va, du moins il croit le savoir, car dans ce film tout est leurre, faux-semblant et trompe l'oeil, un peu comme ces fleurs naïves qui prolifèrent sur les murs de la demeure et envahissent même le générique du film.

Un scénario intelligent, une réalisation sophistiquée et éblouissante : Deux soeurs fait partie des films qui donnent infiniment plus que ce que l'affiche promettait.

 

Aucun commentaire: