3.3.14

"Memories of Murder" de Bong Joon-Ho, 2003

 
.... ou comment le génial Bong Joon-Ho inventa la farce tragique...
Le film ne serait pas ce qu'il est sans la présence
et l'incroyable abattage de Song Kang-Ho (celui qui tient la photo).
 
En attendant la sortie vidéo du Transperceneige, que j'ai loupé au cinéma, je trompe mon impatience en regardant les autres films de Bong Joon-Ho, par exemple...

Memories of Murder (Salinui chueok) est tiré d'une pièce de Kim Gwang-rim elle-même inspirée d'événements réels. Entre 1986 et 1991, à Hwaseong, une petite bourgade de Corée perdue au milieu de champs de riz, dix femmes ont été violées et assassinées sauvagement. Le film raconte les événements tels qu'ils se sont produits et met en scène l'équipe de policiers chargés de l'enquête. En raison des pratiques policières de l'époque, qu'on peut résumer en deux mots, violence et incompétence, et des priorités du gouvernement, plus soucieux de préserver son pouvoir que la vie des citoyens, l'enquête s'avère extrêmement folklorique.

Avec humour, Bong Joon-Ho a défini son film comme "un thriller de village fermier". En vérité, c'est plus que cela. C'est aussi un portrait au vitriol de la Corée des années 80, étouffée par la dictature militaire.
Bong Joon-Ho raconte qu'après avoir vu son scénario, Im Sang-Soo lui a dit : "Quelle existence pathétique nous avions." Pathétique et absurde, et qui explique en partie la nullité et l'impuissance des enquêteurs. Sous ce genre de régime, quand on veut un coupable on le désigne, et l'essentiel du travail consiste à le faire avouer, d'où ces flics plus entraînés à soutirer des aveux par tous les moyens qu'à chercher des preuves. Ces procédés expéditifs montrent vite  leurs limites en cas de meurtres en série : on peut faire avouer autant de pauvres types que l'on veut, tant qu'on ne tient pas le véritable coupable les meurtres continuent. Gros problème pour nos enquêteurs qui comprennent alors qu'ils doivent absolument réviser leur méthodes. Pleins de bonne volonté, mais sans grande expérience et avec les moyens du bord, ils font de leur mieux, de manière maladroite et souvent empirique, tandis que leur naturel revient assez vite au galop... ce qui nous vaut quelques grands moments cinématographiques...

On ressort de ce film bluffé, sans bien arriver à comprendre comment la magie a opéré, car, a priori rien n'y paie de mine. On est probablement dans l'endroit le moins intéressant de Corée en compagnie de personnes quelconques, quand ce ne sont pas de vrais gros blaireaux.... Pourtant, dès que le film commence, on est comme happés, hypnotisés par la manière dont les événements, tantôt tragiques, tantôt incongrus se succèdent. Les personnages évoluent et se révèlent... Et pendant les deux heures dix que cela dure, on est comme deux ronds de flan. Sidéré. L'effet perdure longtemps après la fin du film... On a vécu un truc tellement unique et fou, qu'on se demande si c'est une tragédie ou une farce. J'ai fini par conclure à l'invention de la farce tragique...

Non, ce n'est pas juste une histoire de meurtres en série.
 
Les acteurs du film.
 

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