7.9.16

Histoires d'Îles & de Colonisation

Trois des livres de ma sélection de l'été, Macao et Cosmage d'Edy-Legrand, La Tête coupable de Romain Gary, et Les Immémoriaux de Victor Segalen, évoquaient la découverte d'îles avec son cortège de destructions, de pillages et de violences.
L'île de Macao et Cosmage est une île imaginaire, emblématique de toutes les îles ravagées par le passage et l'installation des Européens : animaux massacrés, flore détruite, bétonnage, et autochtones perdant la maîtrise de leur propre destin.
Les deux autres œuvres prennent place à Tahiti.
La plus impitoyable, car la plus lucide, est, on s'en doutait,  La Tête coupable de romain Gary dont le personnage central, en quête de pureté et déplorant la disparition du mythe originel polynésien, lui sert à mettre à nu les mécanisme de récupération de la culture que le colon a détruite mais qu'il fantasme et qu'il réinvente à sa mode à des fins touristiques et financières. Gauguin, mythifié et divinisé par le monde de l'art comme le grand passeur entre deux cultures, y apparaît sous les traits peu glorieux d'un libidineux qui, tout en se croyant différent, a comme les autres profité des avantages que lui offrait le système.
Segalen, vu lui aussi comme un autre pont jeté entre la Polynésie et l'Europe, a quant à  lui choisi de se glisser dans la peau de l'autochtone pour lui donner la parole. Les Immémoriaux raconte la vie, avant, pendant, et après la conquête de l'île par les Européens. À grand renfort de language et de mythes polynésiens, il nous fait pénétrer dans la psyché des habitants de l'île. C'est tellement bien fait, que l'on en tire une impression d'immersion totale, et puis, soudain, on se souvient que le conteur n'est pas un Tahitien, mais un intellectuel européen, et que cette plongée dans l'âme polynésienne n'est qu'une fiction. Une illusion brillante, mais une illusion tout de même. Cela n'enlève à l'œuvre aucune de ses qualités documentaires et littéraires, mais c'est la culture polynésienne telle qu'un intellectuel étranger la comprend et la transmet. Même si les intentions de Segalen sont honorables, même s'il a fait de son mieux, son œuvre est un artifice, un simulacre qui, ne diffère guère, par sa nature, des attractions fantaisistes que les personnages de Romain Gary inventent pour attirer le touriste et supplanter Hawaii comme destination exotique.
Tout comme à l'issue des guerres c'est toujours le vainqueur qui écrit l'histoire, dans la confrontation des cultures, c'est toujours le plus fort qui impose la sienne. Il n'y a pas de conquête heureuse, respectueuse et harmonieuse. Cette loi est valable pour tous les temps, pour tous les lieux, quel que soit le conquérant et quel que soit le territoire conquis. Cela s'appelle la loi du plus fort. Un conquérant massacre, pille, détruit et impose ses règles et ses croyances, parce que c'est dans sa nature. L'envahisseur est toujours un barbare.

Aucun commentaire: