31.5.16

"What is obscenity ?"

 
What is obscenity ?
The Story of a Good for Nothing Artist and her Pussy.

Qu'est ce que l'obscénité ? Telle est la question que pose l'artiste japonaise Megumi Igarashi, alias Rokudenashiko, dans ce manga où elle raconte comment elle a été par deux fois jetée en prison ; la première fois pour avoir envoyé des fichiers 3D aux mécènes qui avaient financé son projet artistique, et la seconde fois pour avoir exposé ses œuvres dans une galerie. Le motif : "distribution de matériel obscène". Le crime, vous en avez sûrement entendu parler : avoir pris comme thème le vagin – en japonais, "manko", un tabou. Ses créations ne sont pourtant pas de nature à choquer : on n'y trouve pas une once de pornographie ou d'érotisme. Ce sont juste des moulages et des créations ludiques et décoratives comme celle que l'on voit sur la couverture du livre. Pas de quoi fouetter un chat. Alors ?

Au pays où lors de fêtes populaires on fait procession derrière des phallus géants, envoyer une femme en prison pour avoir seulement partagé des fichier 3D avec une poignée de personnes consentantes paraît complètement disproportionné. Montrer un sexe féminin est-il plus obscène et plus grave que de montrer un phallus ? D'où sa question, tout à fait légitime : "qu'est-ce que l'obscénité ?"

Hélas, la réponse semble plutôt simple, et c'est la même dans tous les endroits du monde depuis l'origine des temps. Est obscène ce que le pouvoir définit comme obscène. Le but non avoué qui se dissimule derrière les vagues prétextes moraux étant toujours de maintenir son pouvoir et ses prérogatives. Pour cette raison, les oukases de la censure ne sont donc ni logiques, ni équitables, ni négociables, à moins qu'un groupe devenu puissant parvienne à les faire tomber. Dans une société de tradition patriarcale, il est évident que la femme qui fait du vagin un objet d'art s'expose à toutes sortes d'ennuis, puisque, tout enjolivé, rigolo et fleuri qu'il soit, le vagin de Rokudenashiko est un défi à l'ordre établi. Au pouvoir établi.

Rokudenashiko aurait pu aussi se demander "Qu'est-ce que la justice ?" Je viens de terminer la lecture du Journal d'un curé de campagne de Bernanos où l'on en trouve cette définition imparable et lucide :
"Car enfin la justice entre les mains des puissants n'est qu'un instrument de gouvernement comme les autres. Pourquoi l'appelle-t-on justice ? Disons plutôt l'injustice, mais calculée, efficace, basée tout entière sur l'expérience effroyable de la résistance du faible, de sa capacité de souffrance, d'humiliation et de malheur."
C'est précisément cette justice-là qui décrète ce qui est obscène et ce qui ne l'est pas.

J'ai acheté le livre (publié aux États-Unis) par solidarité, mais il s'avère que c'est un bon manga, à la fois divertissant et intéressant. Il nous donne l'occasion de mieux connaître l'artiste, d'apprécier son sens de l'humour (elle est drôle et extrêmement sympathique) et son courage, la pertinence de ses réflexions, mais aussi de voir comment fonctionne la machine judiciaire au Japon.

Le Site de Rokudenashiko où vous pourrez voir ses œuvres et aussi en acheter...

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