Friend (Chingu) de Kwak Kyung-taek, est, comme l'indique le titre, un film qui parle de l'amitié, celle qui lie quatre jeunes garçons de Busan et que les épreuves du passage de l'adolescence à l'âge adulte mettent à mal. C'est l'histoire vraie du réalisateur et de ses amis. A travers ces quatre destins, on découvre la Corée des années 70 aux années 90.
C'est un très bon film, d'apparence classique plutôt que véritablement classique - je veux dire qu'il s'agit d'un classicisme délibéré, travaillé, cultivé, avec des flash back aux tonalités dorées de vieilles photos. Bien interprété et très émouvant.
La bande son est constituée de tubes internationaux de l'époque, notamment le célèbre "Bad Case of Loving You" de Robert Palmer… Ce qui pour le spectateur occidental produit une impression anachronique assez bizarre parce que cette Corée des années 80 que montre le film ressemble plus à la France des années 60 qu'à celle de la même époque. C'est l'introduction de cette musique qui permet de mesurer à quel point le décalage culturel entre nos deux pays était gigantesque. Nous avions la même bande son mais des expériences de vie fondamentalement différentes.
Dans ces années, j'avais plusieurs amies coréennes. Même si par prudence elles évitaient de parler de la situation politique, je savais que leur pays vivait sous une dictature ou en sortait à peine, que beaucoup de choses y étaient interdites et qu'elles devaient faire attention aux livres qu'elles rapportaient dans leur bagages. Je voyais aussi que leur éducation ressemblait davantage à celle que les jeunes filles bien élevées avaient ici dans les années cinquante, voire plus tôt, mais je n'avais jamais réalisé dans quel univers elles avaient grandi avant de venir étudier ici. Je n'en ai pris véritablement conscience qu'en entendant dans ce film Palmer scander "doctor, doctor, give me the news"...
Le cinéma sert parfois de révélateur.
À la lumière de ce film je comprends mieux pourquoi certaines d'entre elles considéraient avec inquiétude la perspective d'avoir à retourner se glisser dans le carcan coréen. Elles avaient peur de ne plus y parvenir car à Paris elles s'étaient habituées à avoir une entière liberté. Et quand on parle de liberté, ici, on ne se rend même pas compte de ce que cela implique. Avant de partir, l'une d'entre-elles m'a donné des boucles d'oreilles, de beaux pendentifs baroques ornés d'aigues-marines. Quand je lui ai demandé pourquoi elle ne les gardait pas, elle m'a répondu "Je vais être prof, en Corée une prof ne peut pas porter cela"...
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Le film a une suite, Chingu 2, sorti en 2013.
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