20.10.14
Paravent
Paravent
J'aime qu'un mandarin sous les mûriers de Chine
promène, au brun soleil, son ventre obèse et montre,
en des plis soyeux et grèges, brochés de monstres
bleus, le fin serpent noir qui lui court sur l'échine
Mille clochettes papillonnent ; la volaille
glousse dans les rizières ; les tourelles de kaolin
bruissent argentines, et, coiffés de couvre-chefs de paille,
des paysans poussent des barques qu'on prendrait pour des moulins.
à-vent à cause de leur voile en baleines de parapluie.
Dans les eaux pagaient des poissons sphériques, à piquants.
Ou c'est une école : la marmaille s'égosille
à épeler des livres écrits il y a vingt mille ans.
Dans les vallées longitudinales et latitudinales
fument les chaumières opulentes où l'on fricasse des rognons de chien.
Le souffle du soir agite les lanternes et les lucioles
et siffle sous les rideaux en fins tuyaux de jonc enfilés comme des perles sur les fils mobiles.
J'aime, à l'entour des bosquets de thé, qu'une jardinière
roule des feuilles dans ses doigts vierges de bagues,
sous la garde d'une vieille à peau de cuir, aux yeux de laque ;
et des soldats casqués de bambou, cuirassés de papier....
Puis la jeune princesse aux orteils déformés,
mignarde, qui se noie en la soie et sourit
derrière son éventail de feuilles de riz
d'où émerge un chignon hérissé de touffes d'aiguillettes.
Enfin le vieillard très millénaire, qui dicte, en sa crasse,
des sentences patriarcales aux fils de ses bras
et cherche dans sa mémoire des préceptes de sagesse
vieux comme les marchands qu'on voit s'en revenir du pays de Yu.
Fernand Benoît, Mercure de France, n°258 - Tome LXXII, 16-III-1908
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