7.4.13

"Saya Zamouraï" de Hitochi Matsumoto, 2011

 
Ou quand le pire de la télé rencontre le jidaigeki.

En voyant l'affiche, on s'attendrait à un film comique, mais il est surtout déroutant, même s'il est assez drôle par moments.
Son héros est un marginal, tout comme l'était celui de Big Man Japan, mais cette fois c'est un rônin (un samouraï sans maître) plus très jeune, et trop peureux pour affronter les tueurs lancés à ses trousses. Une petite fille l'accompagne qui s'efforce de le ramener à son devoir et à sa dignité. Ce tandem est une sorte d'anti-Baby Cart. La fuite de notre samouraï finit par l'amener dans un fief où on l'emprisonne. Pour obtenir sa libération, il doit redonner le sourire au jeune fils du seigneur local qui a perdu le goût de la vie depuis que sa mère est morte. S'il n'y parvient pas au bout de trente jours, il devra, dans la plus pure tradition, s'ouvrir le ventre. Une grande partie du film est donc consacrée aux gags - certains drôles, d'autres moins - imaginés pour tirer le petit prince de sa tristesse. C'est inégal et impossible à raconter.

Ce qui surprend le plus, c'est ce samouraï imperturbable qui ne parle pas et garde la même expression sérieuse et concentrée d'un bout à l'autre du film, et cela quel que soit l'exercice auquel il se prête. On se demande d'où sort cet acteur improbable. C'est dans le making of que l'on découvre le fin mot de l'histoire et que se pose alors la question de l'éthique.

Inspiré de ces émissions de télé dans lesquelles les candidats font n'importe quoi, mais le plus souvent des choses humiliantes et douloureuses, le film n'a pas eu un tournage classique. Cet acteur, si particulier, n'en est pas un, et d'ailleurs, il n'a même pas joué la comédie. C'est un vrai pauvre type qui n'a plus que trois dents dans la bouche. Dans le reportage, il paraît un peu simplet et facile à manipuler : c'est le prototype du candidat que les producteurs d'émissions de télé débiles adorent car on lui fait faire ce qu'on veut pour amuser la galerie. Il a justement été repéré dans ce genre de programme. On apprend alors que pendant le tournage de Saya Zamouraï, il ne savait même pas qu'il jouait dans un film. Il pensait participer à une émission de défis. Voilà pourquoi il a fait exactement tout ce qu'on lui disait de faire, même les choses les plus désagréables (qui ont été coupées au montage, mais qu'on voit dans le making of). Par ce procédé le réalisateur a obtenu un résultat qu'il n'aurait jamais pu avoir avec un acteur classique. C'est à la fois la force et la faiblesse du film. La force, parce que cet homme est allé là où un acteur ne se serait jamais aventuré, mais sa faiblesse aussi car au point de vue humain le procédé est plus que critiquable.

L'histoire du cinéma est parsemée d'abus, depuis la maltraitance aux animaux jusqu'au viol d'actrices. En digne fils de la télé, Matsumoto est passé par ce que l'on pourrait qualifier d'abus de faiblesse. Cela semble un peu nouveau au cinéma, mais il y a belle lurette que cela constitue la base du divertissement télévisuel, au Japon comme ailleurs. Avec ce film, ce sont les pratiques douteuses de  la télévision qui font leur entrée officielle au cinéma.

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