4.12.10

"Les Hauts de Hurlevent" de Kijû Yoshida



Les Hauts de Hurlevent (Arashi ga oka) de Kijû Yoshida, inspiré de l'œuvre d'Emily Brontë, est sorti en 1988. Une version remastérisée a été publiée par Carlotta en 2009.

On y trouve l'œuvre d'Emily Brontë transposée dans le Japon médiéval, vers la fin de la période de Kamakura. La réalisation est très belle, avec les pentes du mont Fuji pour toile de fond, des costumes inspirés des peintures japonaises anciennes, et une bande sonore composée par le grand Takemitsu.
Le contexte choisi pour le film est encore plus fascinant que celui de la lande du roman original : toute l'action se déroule sur un fond noir de pierres et de cendres volcaniques, paysage tellurique au milieu duquel l'être humain n'est qu'un détail.

Ces hauteurs désertiques, ainsi qu'un horizon systématiquement barré par des montagnes plus hautes, donnent en permanence une sensation de solitude, d'enfermement et de dureté. Impressions renforcées par la position sociale des protagonistes, les gardiens des esprits de la montagne sacrée. Sortes de chamans, intermédiaires entre les divinités de la montagne et les paysans du village, ils évoluent dans un milieu clos, car ils n'ont pas le droit d'entrer au village ni de se mêler aux villageois. Leur existence est régie par une série de devoirs et d'interdits, ce qui ne fait que renforcer leur étrangeté.
Dans ce milieu, où l'interdit et le sacré nient l'humain et l'écrasent, l'amour n'a aucune place. Pour s'exprimer, le sentiment amoureux n'a d'autre choix que de prendre des voies détournées. Seules les pulsions, par leur force et leur caractère incontrôlable, peuvent briser les obstacles que la loi sacrée oppose au sentiment, et libérer momentanément les personnages de leur carcan, mais pour les conduire vers un destin encore plus funeste.

L'histoire est centrée sur l'étranger à ce milieu, l'intrus, et pour cette raison fauteur de trouble, Onimaru, le Heathcliff de la version japonaise. Son amour pour Kiru est son seul lien avec un milieu qui le rejette ; son amour démesuré, sa cruauté, sa folie et sa haine sont les réponses viscérales aux pressions, aux humiliations et aux interdits qu'il subit.
Les pulsions des personnages sont l'élément qui les relie encore à l'humanité ordinaire, mais aussi, et paradoxalement, celui qui les en éloigne davantage, puisqu'elles les conduisent à transgresser les tabous et à apparaître comme des monstres aux yeux de la société. Cela donne un film très fort, austère et rude.

Quelques films japonais, dont celui-là, m'ont impressionnée par leur côté tragique – "tragique" au sens original du terme, c'est-à-dire, possédant les caractères de la tragédie grecque ancienne. Si je devais trouver un équivalent occidental à celui-là, ce serait la Médée de Pasolini. Tout, comme Médée, il nous redonne accès au monde des origines, au monde primitif des mythes et des archétypes.

Aucun commentaire: