18.12.10

"Kabei, our mother" de Yôji Yamada

Après avoir découvert Le Samouraï du crépuscule (évoqué ici), je n'ai eu de cesse de trouver d'autres films de Yamada(*). J'aime ses personnages, ses décors, ses acteurs, et surtout, son regard sur les choses. Il a une approche sentimentale, dans le sens noble du terme, qui me touche profondément. L'aspect humain a toujours défini ses films, mais dans les derniers, l'humanisme y apparaît sublimé. Si Fellini affirmait "Je suis un grand menteur", Yôji Yamada, lui, pourrait dire "Je suis un grand humaniste".

Je viens enfin de mettre la main sur Kabei - Our mother (Kabe, 2008). Il s'agit d'une adaptation des Mémoires de l'écrivain Teruyo Nogami. Le film offre en quelque sorte un pendant au Samouraï du crépuscule - même schéma narratif et même voix-off de femme racontant le destin de ses parents - mais l'action se situe cette fois au XXe siècle et le personnage central en est la mère.
L'histoire commence à la fin des années 30, au moment où le régime japonais, pas encore entré en guerre (du moins pas officiellement), est occupé à formater son peuple pour en faire l'instrument de ses futures conquêtes. A travers le destin d'une famille, dont le père, un intellectuel paisible, est emprisonné pour délit d'opinion et accusé d'être communiste, c'est le visage horrible du fascisme japonais au quotidien que Yamada nous montre : contrôle de la pensée, négation de l'individu, délation, obligation de se taire ou de mentir en permanence, misère... Tout cela pour aboutir à l'énorme gâchis humain de la guerre...

Le film n'est pas une thèse sur le fascisme, mais, à travers le destin de ces quelques personnages, il montre comment cette idéologie totalitaire et militaire détruit des millions d'existences. La fin du film, avec la demande déchirante et imprévue de Kabei, la mère, nous fait réaliser que le fascisme et la guerre l'avaient brisée à jamais. On peut reconstruire un pays, mais on ne peut combler l'immense vide laissé par des êtres chers disparus trop tôt… C'est une prise de conscience douloureuse que de réaliser que derrière son visage lisse, il n'y avait plus que néant et souffrance. Amputée de tout ce qui fait la joie de la vie et lui donne un sens, elle n'étaient plus qu'une enveloppe vide... Une forme sans contenu. Ce film est un beau plaidoyer contre la guerre et contre toutes les idéologies qui nient l'individu et portent l'intolérance et la mort.

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(*) Mission difficile. Yôji Yamada est plutôt mal servi en France, où, mis à part Le Samouraï du crépuscule, on ne trouve que La Servante et le Samouraï (Kakushi ken oni no tsume, 2004) chez Aventi. Pour le reste, il faut impérativement parler anglais. Love and Honor (Bushi no Ishibun, 2006) est paru chez ICA Films (zone 2) et Kabei - Our mother (2008) est sorti chez Strand Leasing en 2009 (en zone 1)... Et ne parlons même pas des films plus anciens, carrément introuvables.
Signalons toutefois la publication, toujours en 2009 et toujours en zone 1, chez Animeigo, d'un coffret des quatre premiers Tora-san. La mention "vol.1", laisse augurer une suite, mais je suis peut-être optimiste, car le volume 1 est sortie l'année dernière, l'année 2010 touche à sa fin et le 2 n'est toujours pas en vue....

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