L'Eté du démon (Kichiku, 1977) de Yoshitaro Nomura est le récit monstrueux de la misère et du désespoir qui mènent au crime - celui de la cruauté et de la folie ordinaires.
L'histoire est celle d'un imprimeur qui depuis des années, à l'insu de son épouse, entretient une femme et les trois enfants qu'elle lui a donnés. Il gère parfaitement cette double vie jusqu'à ce que ses affaires s'effondrent et qu'il se retrouve dans l'incapacité de subvenir aux besoins de sa seconde famille. Sans ressources, la maîtresse décide de conduire les enfants au domicile de leur père afin de l'obliger à s'occuper d'eux.
Le film est porté par deux excellents acteurs : Ken Ogata, dans le rôle de l'homme faible et dépassé par les événements, et Shima Iwashita, glaçante dans son rôle de la marâtre aveuglée par la jalousie. Nomura parvient à traiter ce sujet difficile qu'est l'abandon et le meurtre d'enfants sans verser dans le larmoyant et la condamnation morale.
On ne condamne pas, parce que la façon dont l'histoire est menée nous amène à comprendre la position de départ de chacun des protagonistes. On comprend la situation du père qui s'est mis à la légère, comme le font nombre d'hommes, dans une situation inextricable qu'il est incapable d'assumer. On comprend la maîtresse, qui a fait confiance à un faible et se retrouve avec trois enfants sur les bras et rien pour les nourrir. On comprend aussi la femme qui, avec l'apparition d'une maîtresse et d'enfants dont elle ignorait l'existence, doit encaisser un choc psychologique énorme. Ce que l'on ne comprend plus ensuite, c'est comment le couple en arrive à son projet monstrueux.
Le film nous met dans notre rôle habituel de spectateurs de faits divers, sauf que, pour une fois, nous voyons la trame du drame. Nous voyons le "démon" s'emparer d'êtres a priori normaux et pas forcément méchants. On ne comprend pas comment car, ce genre de chose on ne le comprend jamais. Tout ce que l'on comprend c'est que ce "démon" sommeil en chaque être humain et qu'il est susceptible d'apparaître dans des situations extrêmes.
C'est ce que j'aime dans les films japonais, cette façon de se placer toujours au-delà du bien et du mal - au cœur de l'humain qui, souvent, n'est ni bon ni méchant mais seulement plus ou moins lâche et plus ou moins malmené par la vie.
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