11.6.16

Deutzia magnifica

 
La première fois que j'ai entendu parler de la deutzie, c'était dans le Livre de Chevet de Sei Shônagon, traduit par André Beaujard. On y lisait :
Pour la fleur de la deutzie, elle est d'un rang inférieur et n'a rien qu'on puisse vanter. Cependant, la deutzie fleurit à une époque agréable ; on la trouve charmante quand on pense que, peut-être, un coucou se cache dans son ombre.
J'ignorais à quoi ressemblait cette plante. Le traducteur indiquait dans une note : "u no hana, un arbuste à fleurs blanches proche du seringat". L'imagination devait faire le reste, et le texte, avec tous ces noms de plantes mystérieuses dont les contours restaient flous donnait l'impression d'être une sorte de pendant végétal des bestiaires fantastiques du Moyen Âge. 

Et puis j'ai trouvé ce livre formidable, Les Plantes du Man.Yô-Shû de Claude Péronny (Maisonneuve & Larose, 1993), qui répertorie 139 des plantes mentionnées dans la célèbre compilation de poèmes du VIIIe siècle. L'auteur donne des végétaux leur nom japonais, leur nom scientifique et le nom courant français, un descriptif, ainsi que la signification ou les significations possibles du nom japonais, une illustration, et bien sûr quelques poèmes dans lesquels la plante est citée. Ces plantes, on les retrouve bien évidemment dans d'autres œuvres que le Man.Yô-Shû, c'est pourquoi l'ouvrage s'avère très utile dès lors qu'on se plonge dans la littérature japonaise.
Il nous apprend, par exemple, que "u-no-hana" est la deutzia crestana ou deutzie crénelée, un arbuste nettement moins impressionnant que deutzia magnifica, qui est une variété hybride. J'en ai un pied dans mon jardin aussi, et en plusieurs années, il n'a pas dépassé les 30 cm de hauteur. Cette variété est rampante et produit des petites clochettes blanches. Elle est si peu remarquable que, moi qui mitraille en permanence tout et n'importe quoi, je n'en ai même pas une seule photo. Sa floraison symbolise le début de l'été et c'est en cela qu'elle est plaisante.

Claude Péronny indique que deutzia et coucou sont associés dans 18 des poèmes du Man.Yô-Shû. À propos du coucou, le poèmes 1755 dit :
Des Landes où s'épanouit
La fleur de deutzie
Tu t'es envolé
C'est peut-être plus précisément à lui que Sei Shônagon, qui  ne semblait pas perdre une occasion de montrer sa parfaite connaissance des classiques, faisait référence.

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