14.2.16

Un Merveilleux dimanche...

Yûzo & Masako (incarné par Isao Numasaki & Chieko Nakakita),
l'inoubliable couple du film d'Akira Kurosawa,
Un Merveilleux dimanche (Subarashiki Nichiyôbi), 1947

L'affiche est magnifique, quoique trompeuse car on a l'impression, à voir ce beau couple souriant et espiègle, que l'on va assister à une comédie légère.

Yûzo & Masako s'aiment, mais ils n'ont rien, seulement leur amour et leurs rêves. Ils vivent et travaillent dans la Tokyo en ruines de l'après guerre, mais ce qu'ils gagnent ne leur suffit pas pour échapper à la misère. Lui partage une chambre avec un ami dans un taudis, elle habite chez sa sœur. Ils rêvent d'avoir un endroit à eux, mais n'en ont pas les moyens. En attendant, ils se retrouvent le dimanche et traînent leur jeunesse, leurs vêtements élimés et leurs souliers percés dans les rues de la ville qui n'a pas grand chose à offrir à qui n'a pas un sou.

C'est un de ces dimanches que le réalisateur nous fait partager. Un dimanche froid. Un dimanche de pluie. Yûzo est déprimé, et Masako s'emploie à lui redonner le sourire. Au cours de cette errance, nous découvrons leurs difficultés, leurs espoirs déçus, leurs frustrations, le découragement qui les mine, et toutes les tentations mauvaises qui guettent celui qui n'en peut plus de vivre ainsi. Comment trouver les ressources pour rester soi-même et poursuivre ses rêves quand la misère vous écrase? C'est là le thème central du film.
A cause de la misère le couple se déchire, puis se réconcilie,  car l'amour est encore le plus fort.
Quand ils se séparent, nous réalisons que ce dimanche qui nous a paru particulier est probablement à l'image de tous leurs autres dimanches faits de la joie des retrouvailles, de petits bonheurs, de grands désespoirs, et de rêves fragiles.

Il est un moment particulièrement poignant où Masako se tourne vers la caméra et parle au nom des amoureux, suppliant :
"Aidez-nous à avoir de grands rêves".
Message international, intemporel, et jamais entendu, de la jeunesse à ceux qui auraient le pouvoir de rendre la vie plus belle mais n'en font rien.

Un Merveilleux dimanche, ou comment faire un film beau, profond et touchant avec quasiment rien : une caméra et deux acteurs magnifiques.
Si vous voulez voir un film comme on n'en fait plus, foncez. Les films de jeunesse de Kurosawa sont sortis chez Wild Side Video – belles éditions combo DVD-Blu-Ray contenant deux films par "coffret" et un livret.

Le livret accompagnant les DVD raconte que le couple vedette du film ressemblait au couple que formaient Kurosawa et l'actrice Yôko Yaguchi dans la vie. Il m'a aussi rappelé le couple Fellini-Giulietta Masina. Le personnage de Masako fait d'ailleurs beaucoup penser à ceux incarnés par Giuletta Masina quelques années plus plus tard dans les films de Fellini, La Strada et Les Nuits de Cabiria : des petits bouts de femmes à visages lunaires, bouleversantes de naïveté et de courage.

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