4.9.12

"L'Amant" de Jean-Jacques Annaud (1991)


Je n'avais jamais vu L'Amant de Jean-Jacques Annaud. Hier, il passait à la télévision, c'était l'occasion de combler une lacune, mais j'ai hésité. Je n'ai jamais été fan de Duras, et c'est l'idée d'y retrouver son style ampoulé et répétitif qui m'avait jusque-là servi de repoussoir à chaque fois que l'occasion s'était présentée. Cette fois encore, j'ai failli renoncer, mais le visage de Tony Leung Ka Fai (que ce type était beau !) aperçu dans la bande-annonce, m'a finalement décidée - même si le film était nul, j'étais au moins sûre d'y trouver une compensation esthétique.

Je n'en ai pas eu besoin, car c'est un très beau film, à tous les points de vue. Si le style de Duras est toujours présent et reconnaissable, car le script reprend souvent mot pour mot des phrases du livre, il y est allégé. Mieux, il est sublimé par la voix et la diction de Jeanne Moreau... Ne reste donc que l'histoire, très belle et émouvante - car Duras a excellé à conter ces passions transcendantes-, et les images somptueuses des paysages, de la ville, des acteurs... avec, souvent, des plans très originaux. Une belle réussite à tous les niveaux. Je m'étonne qu'il ait si peu d'étoiles sur le site IMDB.

Ce matin, voulant vérifier si le film était fidèle au roman, je suis allée rechercher le livre que je n'avais pas ouvert depuis ma première et seule lecture. J'avais oublié que, plus qu'un roman, L'Amant est un recueil des souvenirs de jeunesse qui mêle deux sortes de récits : celui, relatif à l'aventure de l'amant chinois, qui donne son titre au livre et qui est précisément la partie où se concentre le style ampoulé, artificiel, répétitif ; et l'autre, au style plus naturel, sans fioritures, plus authentique et direct, et qui évoque la famille de Marguerite Duras et leur difficile survie au Vietnam.

Que Duras pût écrire sans afféterie, je l'avais oublié. Du coup, cette relecture me donne le sentiment que la sobriété du texte est la marque de la vérité, des choses qu'elle a effectivement vécues, tandis que les surcharges de styles et les exagérations semblent participer de la volonté de donner de l'épaisseur à une passion seulement fantasmée. Une fiction. Les passages concernant la jeune fille et l'amant sont comme surjoués, dans l'intention, si l'aventure était réelle, de la magnifier et de faire d'une histoire banale, voire même sordide car l'argent paraît y avoir joué un rôle de premier plan, quelque chose de beau, de sentimental, la seule note  positive d'une jeunesse par ailleurs misérable, violente et désespérée.


En vérité, si j'ai repris le livre, c'est parce que cet épilogue du Chinois, qui téléphone des années plus tard pour redire son amour éternel, m'a paru tellement gros et peu crédible que j'ai pensé que le cinéaste l'avait inventé pour que cela soit encore plus romantique. Mais non, c'est celui du roman.


L'Amant de Jean-Jacques Annaud, 1992,
d'après l'oeuvre de Marguerite Duras

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