27.1.12

La tasse de thé

Le clair de lune pâlissait plus encore un masque tombé sur la natte bordée. Et les bambous au vent, et les chrysanthèmes dans les jardins, et les hérons dans le bassin, gémissaient avec lui en devinant sa fin.
Alentour les idoles colorées et les dragons ailés s'endormaient. Et la geisha, porcelaine transparente comme la coquille d'un œuf d'Ibis, s'égara dans un labyrinthe, pareille aux dragons des dieux les jours de larmes. Et ses yeux bridés, perles de Nankin se répandant en flots, se confondaient scintillants avec l'éclat des porcelaines.
Lui, dans un dernier geste, du bout des doigts lui ferma les lèvres, et dit en s'éteignant : - Il est vain de pleurer ; je te demande seulement de ne pas me trahir tant que mon corps sera chaud. Il reposa sa tête sur les nattes et ne bougea plus.
Et elle, avec un cri de héron, leva bien haut les bras, invoquant pour Lui le Ciel, et à pas saccadés s'en fut dans le jardin en agitant ses mains, attirant les regards des passants.
Au matin, les voisins vinrent sur la pointe des pieds regarder à travers les bambous, et tous virent la geisha, accroupie près du mort, agitant un éventail d'ivoire.
La scène sur la soucoupe est la même.

José de Almada-Negreiros, Orpheu, n°1, 1915
(texte traduit du portugais par mes soins)

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