16.10.10

Portrait du Japonais

Eiji Okada

C'est un homme d'une quarantaine d'années. Il est grand. Il a un visage assez "occidentalisé" (*). De profil il pourrait presque être français. Front haut. Bouche large. Lèvres prononcées mais dures. Aucune mièvrerie dans le visage. Aucun angle sous lequel il apparaîtrait une imprécision (une indécision) des traits. En somme il est d'un type "international", c'est à dire qu'il ne faut pas que sa séduction soit d'ordre exotique.
Marguerite Duras, sur le personnage japonais de Hiroshima mon amour (publié dans le livret d'accompagnement du double DVD publié par Arte Video).

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(*) - Le choix d'un acteur japonais à type occidental doit être interprété de la façon suivante : un acteur japonais au type japonais très accusé risquerait de faire croire que c'est surtout parce que le héros est japonais que la française est séduite par lui. Donc, on retomberait, qu'on le veuille ou non, dans le piège de l'exotisme, et dans le racisme inhérent à tout exotisme, même involontaire. Il ne faut pas que le spectateur dise :" Que les Japonais sont donc séduisants", mais "Que cet homme-là est donc séduisant."
C'est pourquoi il vaut mieux atténuer la différence de type entre les deux héros. Si le spectateur n'oublie jamais qu'il s'agit d'un japonais et d'une française, la portée du film n'existe plus. Si le spectateur l'oublie, cette portée profonde est atteinte. Monsieur Butterfly n'a plus cours. De même mademoiselle de Paris. Il faut tabler sur la fonction égalitaire du monde moderne. Et même tricher pour en rendre compte. Sans cela quel intérêt y aurait-il à faire un film franco-japonais ? Il faut que ce film franco-japonais n'apparaisse jamais franco-japonais mais anti-franco-japonais. Ce serait-là une victoire sans précédent.

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Voilà ce que Marguerite Duras écrivait à propos du personnage masculin de Hiroshima mon amour.

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